Une lutte inclusive pour combattre l’éco-anxiété chez les enfants et les adolescents

Écrit par : Isaac Lamoureux

1 décembre 2022

Mots-clés : EnvironnementJeunesseSanté

«C’est une génération qui n’a pas l’air de vouloir se reproduire parce que les lendemains qu’on leur chante ne sont pas très roses», dit Hélène Flamand. Crédit : Courtoisie

L’éco-anxiété chez les enfants et les adolescents a été présentée lors d’un atelier d’EcoNova Éducation qui s’est déroulé le 11 octobre dernier. Si plusieurs jeunes sont conscients de la crise environnementale évoquée par le GIEC, un grand nombre souffre d’éco-anxiété faute de savoir comment apporter les bonnes solutions à notre planète. Bien que récent, ce mal n’en est pas moins à prendre au sérieux par celles et ceux qui partagent la vie de ces générations futures.

Isaac Lamoureux
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

L’organisme sans but lucratif EcoNova propose un programme de sensibilisation à l’environnement dans les écoles de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et de l’Alberta. L’atelier L’éco-anxiété chez les enfants et les adolescents évoque les conséquences et l’impact du changement climatique sur la santé mentale des plus jeunes.

Lors de cet atelier offert en visioconférence, plusieurs intervenants spécialisés dans les études environnementales et la santé mentale ont pu partager leurs connaissances avec des parents, mais aussi le corps enseignant.

L’éco-anxiété n’est pas une maladie

Dre Laelia Benoit est pédopsychiatre et chercheuse au Yale Child Study Centre (Yale School of Medicine). Elle a mené une vaste étude sur l’impact du changement climatique sur le bien-être et la santé mentale des enfants et des adolescents aux États-Unis.

Elle est aujourd’hui l’une des spécialistes de cette «réaction naturelle et légitime à la crise écologique qui demande une réponse sociale» à une certaine solitude des jeunes face à une société qui ignore le changement climatique. Un état de fait qui apporte à certains son lot de souffrances.

«L’éco-anxiété est l’ensemble des émotions qui sont liées à notre peur du changement climatique et de la transformation de notre planète», dit-elle. Elle ajoute que ces émotions peuvent se traduire par la peur, la colère, la tristesse et/ou la culpabilité par rapport à ce qu’on ne fait pas ou à ce qu’on voudrait faire mais qu’on n’arrive pas à faire dans le domaine de l’environnement.

«L’éco-anxiété est l’ensemble des émotions qui sont liées à notre peur du changement climatique et de la transformation de notre planète.» Dre Laelia Benoit

Malgré toutes ces émotions négatives, il peut aussi y avoir des émotions de joie ou d’espoir pour les quelques bonnes actions mises en place pour combattre le changement climatique.

Ajoutant à la définition de Dre Benoit, Nessa Ghassemi-Bakhtiari, étudiante au doctorat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et intervenante en psychologie chez Eco-Motion, explique que l’éco-anxiété est un concept assez large qui regroupe un éventail des réactions émotionnelles, cognitives et comportementales qu’on peut vivre face aux changements climatiques et environnementaux.

Elle ajoute que ce n’est pas tant les changements climatiques qu’ils vivent personnellement, mais plutôt ceux qu’ils découvrent dans les médias.

Une implication individuelle et collective

Bien que n’étant pas présente à l’atelier, Hélène Flamand, professeure au Campus Saint-Jean et psychologue scolaire, souligne l’importance de travailler sur la résilience et le contrôle sur soi pour endiguer toute forme d’anxiété.

Elle énumère quelques conseils pour soulager ou gérer l’éco-anxiété par l’action. Selon elle, des activités comme le recyclage, la diminution des plastiques, des activités de ramassage ou la gestion de la consommation peuvent avoir un impact sur les jeunes. Elle ajoute que certaines actions sont à prendre en compte pour un bien-être général de l’être humain. «C’est important de bien dormir, de bien manger et de faire de l’exercice.»

Elle souligne aussi que l’une des grandes conséquences de l’éco-anxiété, c’est aussi la baisse de natalité des futures générations. «C’est une génération qui n’a pas l’air de vouloir se reproduire parce que les lendemains qu’on leur chante ne sont pas très roses», explique Hélène Flamand.

Les intérêts des enfants changent avec l’âge

Bien que les recherches sur les enfants et l’éco-anxiété soient encore minimes, il existe quelques points clés à noter selon les différents groupes d’âge.

Dre Benoit explique qu’on observe que les enfants de six à dix ans se sentent un peu stressés et anxieux vis-à-vis du changement climatique, mais que, finalement, leur santé mentale va plutôt bien. Les enfants de ce groupe d’âge «ont très envie de participer», dit-elle.

Elle assure que les activités concrètes leur conviennent particulièrement. Ils s’intéressent aux choses qu’ils peuvent voir et toucher, comme planter des arbres, ramasser des déchets et apprendre à recycler. Elle ajoute qu’ils n’ont pas encore complètement accès à la pensée abstraite.

«Il y a cette colère face à l'injustice climatique qui est que, finalement, les plus gros pollueurs ne sont pas nécessairement les personnes les plus touchées», dit Dre Laelia Benoit. Crédit : Courtoisie

«Il y a cette colère face à l’injustice climatique qui est que, finalement, les plus gros pollueurs ne sont pas nécessairement les personnes les plus touchées», dit Dre Laelia Benoit. Crédit : Courtoisie

À partir de onze ans jusqu’à la fin de l’adolescence et au-delà, les jeunes commencent à avoir accès à la pensée abstraite et à comprendre des phénomènes complexes. «On se rend compte que mon action individuelle n’est pas suffisante pour modifier le cours des choses», explique-t-elle.

Avec cette meilleure compréhension de la pensée abstraite, les adolescents comprennent alors qu’il y a trois niveaux d’action : individuel, collectif local et territorial et systémique. Celui qui semble le plus approprié pour aider les jeunes, c’est celui qui prend en compte «l’école et la famille» : un niveau collectif local et territorial.

Ainsi, les jeunes effectuent des activités en groupe, car ils estiment qu’elles ont plus d’impact sur le changement climatique que celles qu’ils auraient pu accomplir seuls. Par exemple, les adolescents peuvent installer des panneaux solaires sur les toits d’école. Ce genre de projets les aident également à développer leur esprit critique et à faire face à certaines problématiques très concrètes telles que comment et où trouver l’argent, comment installer le matériel et, finalement, comment rendre les infrastructures scolaires plus écologiques.

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Dre Benoit estime que les jeunes ont plein d’idées, mais ils ne vont jamais jusqu’au bout. Pour y arriver, les adolescents ont besoin de l’accompagnement et de l’aide des adultes dans certains domaines particuliers. Ils ont donc besoin d’avoir des interactions avec leurs aînés, leurs parents et leurs enseignants.

«Suivez les idées de vos adolescents», conseille Dre Benoit en s’adressant aux parents et aux enseignants. Le monde sera un peu plus responsable face au dérèglement climatique.

La communication et l’inclusion sont essentielles

Les enfants et les parents doivent travailler ensemble. Lors de ses recherches avec les adolescents, Dre Benoit s’est interrogée sur l’impact positif des parents sur l’environnement. Étonnamment, les adolescents niaient leurs actions. Mais finalement, elle a découvert que certains étaient devenus végétariens ou avaient troqué leur ancienne voiture pour une voiture électrique.

Elle a donc interrogé les adolescents sur les raisons de telles décisions. Ils ont tous évoqué des réponses aberrantes, sans jamais penser que leurs parents avaient peut-être une conscience environnementale. Dre Benoit avance que les jeunes ont tous inventé une explication. Et pourtant les décisions prises par les parents étaient toutes basées sur des choix moraux, éthiques et politiques que les jeunes ne comprenaient pas.

Elle ajoute et insiste, «c’est important de permettre aux enfants d’avoir ces contextes et de leur expliquer pourquoi». Car malgré tout, les jeunes vivent une «colère face à l’injustice climatique» qui se traduit par le fait que «les plus gros pollueurs ne sont pas nécessairement les personnes les plus touchées», explique-t-elle.

«Au lieu de seulement parler des changements climatiques de manière très neutre et scientifique, c’est bien de créer un espace où on peut dialoguer avec les jeunes», dit Nessa Ghassemi-Bakhtiari. Crédit : Courtoisie

«Au lieu de seulement parler des changements climatiques de manière très neutre et scientifique, c’est bien de créer un espace où on peut dialoguer avec les jeunes», dit Nessa Ghassemi-Bakhtiari. Crédit : Courtoisie

Nessa Ghassemi-Bakhtiari ajoute qu’au «lieu de parler seulement des changements climatiques de manière très neutre et scientifique, c’est bien de créer un espace où on peut dialoguer avec les jeunes».

Un autre point important, mais peut-être moins évident, de la communication est de valoriser les projets de ces jeunes. Nessa évoque le besoin de mettre en avant ces projets, par exemple en organisant une cérémonie afin que les autres élèves voient et réalisent ce qui a été effectué. Cela permet de faire vivre le projet sur le long terme et peut susciter des vocations pour les années à venir.

«Cela permet de créer une culture où on est tous contents quand on a réussi à faire quelque chose et c’est très encourageant», dit Nessa Ghassemi-Bakhtiari avec espoir.