Les métiers manuels facilitent l’intégration des immigrants francophones
Écrit par : Isaac Lamoureux
27 janvier 2023
Mots-clés : Économie, Provincial
Les gros chantiers ont aussi la part belle dans l’agglomération. Crédit : Arnaud Barbet
Si certains immigrants francophones ont des difficultés linguistiques qui ne facilitent pas leur intégration professionnelle, certains emplois restent à la portée de tous. La condition, être rigoureux et professionnel, et ce, peu importe la langue.
Isaac Lamoureux
IJL – Réseau.Presse – Le Franco
En 2021, l’industrie de la construction représentait près de 10% du marché des emplois en Alberta. Aujourd’hui, le métier est en tension. Les chantiers fleurissent dans toute la province et l’industrie accueille de nombreux néo-Canadiens pour combler un manque criant de main-d’œuvre, et ce, malgré des conditions financières plutôt attractives comparées au reste de l’industrie.
En effet, le taux horaire moyen était de 33,68 $ (2021) comparativement à 32,52 $ dans l’ensemble des industries et le taux horaire médian était de 32 $ dans le secteur de la construction comparativement à 28,77 $ pour l’ensemble des employés des autres industries. Il est donc logique de retrouver sur les chantiers de nombreux francophones, issus du métier ou en reconversion professionnelle, qui profitent de ce «boum» de la construction.
Résilience et adaptabilité
Né à Lyon (France) en 1973, Cyril Belkhiter a pris la décision de s’installer en Alberta avec sa famille après quarante ans dans l’hexagone. «C’était trop difficile de vivre en France», lâche cet ancien restaurateur.
Cyril Belkhiter. «Je n’ai pas eu le choix de m’adapter à leur façon de parler et d’apprendre leur façon de vivre.» Crédit : Courtoisie.
En préparant leur départ, Cyril Belkhiter a pu prospecter pour un emploi lors d’un forum Destination Canada à Paris. Il y a fait des contacts et a pu y trouver son futur employeur, une entreprise paysagiste d’Edmonton.
Sans un mot d’anglais, sa transition a été facilitée grâce à un employeur francophone. Chef d’équipe, il a dû très vite s’adapter et apprendre les rudiments de l’anglais. «Je n’ai pas eu le choix de m’adapter à leur façon de parler et d’apprendre leur façon de vivre», confirme-t-il.
«Je n’ai pas eu le choix de m’adapter à leur façon de parler et d’apprendre leur façon de vivre.» Cyril Belkhiter
Après une année à ce poste et quelques déboires concernant ses conditions de travail, Cyril Belkhiter a su rebondir et a rejoint, il y a quatre ans, les rangs de Ross Contracting, une entreprise de construction, de rénovation et d’embellissement du bâti. Installé depuis à Red Deer, il y évolue en tant que charpentier, un métier qu’il a appris en autodidacte lorsqu’il vivait en France.
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L’anglais ne sied pas à tout le monde
Armel Arakaza, lui, a immigré à Montréal en 2007 pour fuir la guerre civile au Burundi. Il a d’abord choisi le Québec pour son aspect francophone. Après un an, il a finalement décidé de déménager à Edmonton parce qu’il y avait plus de perspectives d’emploi.
Bien qu’il ait étudié le commerce, avec une spécialisation en comptabilité, Armel Arakaza s’est orienté dans la logistique au début de sa carrière professionnelle parce qu’il n’aimait pas travailler dans un bureau et qu’il voulait avoir une vue d’ensemble de l’industrie.
Il avoue que certains domaines comme la construction ou la logistique permettent aux immigrants qui s’expriment peu en anglais d’avoir un métier, voire de faire carrière. «Tant que vous êtes bon avec le travail, tu fais des heures et tu fais de l’argent», dit-il. Il se souvient que lorsqu’il était chauffeur routier, il n’a rencontré que peu ou pas de problèmes tant qu’il connaissait son itinéraire et l’anglais de base.
Armel Arakaza tout sourire. Crédit : Courtoisie
Un chantier de construction sur Calgary, un parmi tant d’autres. Crédit : DCClic.ca – Dany Côté
Burundais, Armel Arakaza parle le français, le kirundi et l’anglais, mais il avoue que la langue de Shakespeare n’est pas sa préférée. Mais il n’a pas eu le choix en arrivant en Alberta, «j’ai dû m’adapter et l’apprendre». Il ajoute que depuis son arrivée ici, «je blague tout le temps avec mes amis en disant que j’ai appris l’anglais en écoutant de la musique country».
«Je blague tout le temps avec mes amis en disant que j’ai appris l’anglais en écoutant de la musique country.» Armel Arakaza
Depuis, Armel Arakaza a rejoint le monde de la construction. Il y rencontre beaucoup d’immigrants avec qui il partage ou non la langue. Mais il assure que l’important, c’est d’abord et avant tout la qualité du travail rendu.
De son côté, Cyril Belkhiter a su très vite trouver sa place dans le monde de la construction malgré ses difficultés linguistiques. Et même si la langue et les changements culturels étaient parmi les choses les plus difficiles auxquelles il a dû s’adapter, il est conscient que cela «ouvre de nombreuses portes».
En 2019, 24,6% de la population en âge de travailler en Alberta était des immigrants reçus. Au Canada, la part de l’Alberta dans la population immigrante en âge de travailler représentait 10,8%, soit la quatrième plus importante après celles de l’Ontario (52,3 %), de la Colombie-Britannique (16,4%) et du Québec (14,7%).
Crédit : bit.ly/3XeKrFN