L’interminable combat financier des radios communautaires francophones en Alberta
Écrit par : Isaac Lamoureux
10 mars 2022
Mots-clés : Arts et culture, Divertissement, Économie, Musique, Vie communautaire
Malgré l’existence de trois radios communautaires francophones en Alberta, leur situation financière reste délicate. Nord-Ouest FM, Radio Cité et Boréal FM vivent les mêmes défis, à la fois financiers, communautaires et aussi salariaux. Après deux ans de pandémie, l’avenir semble difficile à imaginer.
Isaac Lamoureux
IJL – Réseau.Presse – Le Franco
Les radios communautaires sont principalement des organismes sans but lucratif. Elles profitent de subventions et, éventuellement, de dons provenant des collectivités qu’elles desservent. La générosité des citoyens est aussi sollicitée lors des campagnes de financement et pour appuyer ce lien essentiel de la francophonie en région.
«Qu’on essaie le plus possible de varier nos sources de financement pour la radio communautaire.» Gisèle Bouchard
Cela a été le cas lors du radiothon réalisé récemment par Nord-Ouest FM. Cet évènement, comme d’autres, est essentiel pour maintenir la station de radio à flot et pour sensibiliser la communauté à son existence. Gisèle Bouchard, sa directrice générale, dit «qu’on essaie le plus possible de varier nos sources de financement pour la radio communautaire» qui couvre 17 collectivités et municipalités dans la grande région de Rivière-la-Paix , à 100 kilomètres à la ronde.
Cette campagne de financement a permis de récolter un total de 8700 $, dont la moitié provient du radiothon qui comportait 30 heures de programmation en direct et trois spectacles musicaux présentés simultanément sur les ondes de Nord-Ouest FM et sur sa chaîne YouTube.
Quoique le radio n’ait pas tout à fait atteint son objectif initial de 10 000 $, certains dons continuent d’arriver par la poste. «C’est une belle réussite pour nous», affirme la directrice générale. Néanmoins, même avec cet afflux récent de fonds, le financement reste une préoccupation.
Du côté de Radio Cité, écoutée partout à Edmonton, on organise aussi des campagnes de financement. Carole Saint-Cyr, sa directrice, ajoute que son organisme a accès aux programmes de financement de ses différents bailleurs de fonds. Elle cite notamment «Patrimoine canadien et le Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC)».
Une situation qui semble coller à la peau des radios communautaires. Alyson Roussel, la directrice générale de Boréal FM, dit que «le financement principal de la radio, ce sont les subventions». Pour cette radio de la région économique de Wood Buffalo-Cold Lake, celles-ci viennent principalement du gouvernement fédéral. «On a eu beaucoup de difficulté à avoir des fonds provinciaux», ajoute-t-elle.
«On a eu beaucoup de difficulté à avoir des fonds provinciaux.» Alyson Roussel
Si la bataille financière des trois stations de radio est atténuée par le financement fédéral, la vigilance est de mise. Les subventions sont toujours là, «mais elles ne sont jamais garanties», s’inquiète Alyson Roussel. En raison de cette incertitude, la directrice générale de Boréal FM dit qu’«il n’y a pas de sécurité d’emploi, même pour les employés qui sont ici depuis quatre ans. C’est assez instable».
«Il n’y a pas de sécurité d’emploi, même pour les employés qui sont ici depuis quatre ans. C’est assez instable.» Alyson Roussel
Le bénévolat est vital pour les radios communautaires, mais pas seulement
Les campagnes de financement menées par ces radios communautaires apportent plus que de l’argent : elles leur permettent aussi de se rapprocher de la communauté. Par exemple, lors du radiothon de Nord-Ouest FM, «on a recruté des bénévoles et impliqué de nouvelles personnes dans les autres rôles comme les musiciens des concerts en direct», explique la directrice générale.
À Boréal FM, le constat est évident. «Une radio ne peut pas fonctionner qu’avec des bénévoles lorsque l’on pense à la programmation musicale», s’inquiète Alyson Roussel. Elle explique que la radio a quand même besoin de deux ou trois employés d’expérience à cet effet.
Elle avoue aussi que le manque de moyens financiers amène parfois des difficultés salariales. Elle souligne d’ailleurs que l’année dernière, son conseil d’administration voulait lui offrir une petite augmentation salariale pour célébrer son travail. Toutefois, elle n’a pas pu en bénéficier et a même vu ses horaires réduits, faute de moyens.
Chez Radio Cité, on aimerait avoir des gens en ondes de 6h du matin à 18h, mais malheureusement «cela coûte cher!» Heureusement, Carole Saint-Cyr peut compter sur ses bénévoles. «Ils proposent des émissions hyper intéressantes!» Elle fait ici un clin d’œil à la rédaction en citant Simon-Pierre Poulin, le directeur du journal, «qui sait de quoi il parle quand il parle de musique et quand il propose des émissions». Elle tire aussi son chapeau à Alain Bertrand qui est «un expert en musique blues».
Carole Saint-Cyr explique que, tant au niveau des employés que des bénévoles, il est difficile de trouver des personnes qui sont formées en radio et qui viennent de l’Ouest. «Ça n’existe pas. La seule formation qui existe est en anglais», dit-elle. Elle ajoute d’ailleurs que Radio Cité «est en compétition avec une radio anglaise dans le nord d’Edmonton sur la même fréquence». Une situation qui ne facilite pas les choses et elle espère trouver prochainement une nouvelle fréquence malgré la présence de Radio Cité sur le web.
Les défis de la pandémie en matière de connexion avec la communauté.
La seconde préoccupation des radios communautaires, outre le financement, est la connexion avec la communauté qui les soutient. Gisèle Bouchard regrette «qu’avec la pandémie, on ne puisse pas aller dans les communautés, à tous les évènements qui ont lieu dans la région». Elle mentionne qu’ils sont généralement un excellent moyen d’établir une relation avec les auditeurs et de collecter des fonds supplémentaires. Elle ajoute «qu’il y a environ 8000 francophones et francophiles» potentiels à l’écoute de Nord-Ouest FM.
Alyson Roussel affirme, elle aussi, «qu’un des plus grands défis pour la radio est d’être présent pour sa communauté» lors d’évènements, alors qu’environ 18 500 personnes parlent français ou sont bilingues sur les bords du lac La Biche. Elle souligne que «sans les aides fédérales, la radio aurait perdu tous ses employés en 2020». Une catastrophe qui aurait pu mettre en péril ce lien communautaire très important.
La pandémie semble toucher à sa fin et les fonds d’aide vont aussi disparaître. La générosité du gouvernement devra être remplacée par celle des communautés francophones. Les stations de radio communautaires ne pourront pas survivre sans elles.
Carole Saint-Cyr souligne que «c’est vital d’avoir une bonne programmation qui répond aux besoins de la communauté francophone». Pour ce faire, la radio communautaire doit avoir de la musique de qualité, des animateurs et des bénévoles de qualité.
Le Fonds canadien de la radio communautaire (FCRC) cherche et recueille des ressources pour financer des activités de production, de distribution et contribuer à la pérennité des radios communautaires du Canada à travers des programmes de financement dynamiques (Source : FCRC crfc-fcrc.ca/fcrc/qui-sommes-nous)
Patrimoine canadien joue un rôle vital dans la vie culturelle, civique et économique des Canadiens. Le patrimoine représente plus de 57 milliards de dollars en activités économiques associées avec les arts et la culture. L’organisme emploie près de 673 000 personnes dans de nombreux secteurs d’activité tels que le film et la vidéo, la radiodiffusion, la musique, l’édition, les archives, les arts de la scène, les établissements du patrimoine, les festivals et les célébrations. (Source : Gouvernement du Canada canada.ca/fr/patrimoine-canadien.html)